Le rêve
- nawell
- 4 sept. 2020
- 5 min de lecture
Il faisait chaud.
J’ai regardé le ciel, il y avait de gros nuages gris dans le ciel azur, la lumière du soleil se mélangeait avec la pluie éparse tout autour de moi. Quelques gouttes sont tombées sur mon visage, la pluie était tiède contre ma peau. Je pouvais entendre des oiseaux chanter au loin et le vent glissait dans les hautes herbes qui m’arrivaient au genoux, ce qui me donnait la chair de poule. L’odeur de la pluie, mélangée à celle du soleil et de la poussière me submergeait et me faisait penser à la maison.
Quelque chose n’allait pas.
Je marchais dans les herbes, le chemin était familier et je n’avais pas besoin de réfléchir pour avancer. Je savais qu’au moment de dépasser les arbres, j’allais apercevoir au loin une petite maison de campagne blanche, entourée par des clôtures dont la peinture commençait à s’effriter. Il y avait des jouets abandonnés dans le jardin, à l’arrière, une niche à moitié finie, et une fenêtre avec un carreau cassé par mon frère en jouant au baseball un été. Je me suis arrêtée dans la clairière, juste devant la maison. Tout ressemblait parfaitement à ce dont je me souvenais.
Ça ne pouvait pas être vrai.
Quelque chose au fond de moi a changé, ne pouvant croire à ce que j’avais devant moi. J’ai froncé les sourcils. Pourquoi la vision de ma maison d’enfance me faisait me sentir si mal ? J’ai secoué la tête doucement, comme pour me remettre les idées en place.
“Hé !” Une petite fille a couru vers moi et m’a attrapé la main en souriant. J’étais surprise, baissant les yeux pour regarder ma propre main, qui soudainement semblait faire la même taille que la sienne. Elle avait l’air étrangement familière, mais en même temps j’avais ce sentiment bizarre qui me donnait envie de partir en courant.
“Qui es-tu ?”
La petite fille sourit, ce qui révéla des petits trous dans sa bouche aux endroits où les dents de lait étaient tombées. Elle avait l’air mignonne mais son air enfantin était déformé par des joues creusées. “Ton amie !”
Amie ? Je la regardais, elle était très maigre, avec des yeux brillants et ses vêtements étaient déchirés et sales. Il y avait quelques bleus sur ses bras et ses jambes. Mon cœur a commencé à battre de plus en plus vite, et j’avais du mal à me concentrer.
“Jouons !” Ne faisant pas attention à mon attitude, la petite fille me tira jusqu’à la maison, le portail s’ouvrant à son contact dans un grincement perçant.
Je ne devrais pas être là.
L’herbe avait bien poussée dans le jardin et la clôture tombait en ruine à de multiples endroits. Je vis que le trou dans la clôture, celui que j'utilisais pour filer en douce de la maison, était toujours là.
“Ne regarde pas trop longtemps notre cachette.” La fille murmura. “S’il la trouve, on ne pourra plus se cacher là-bas.”
J’ai frémi en entendant ses paroles, mon cerveau essayant désespérément de se souvenir pourquoi j’étais si effrayée. C’était la maison de mon enfance, cet endroit me rendait heureuse. Je jouais dans le jardin avec mon frère…
“Où est Jonathan ?”
“Tu ne te souviens pas ?” Elle se tourna vers moi avec un regard grave. “Il n’est plus là.”
“Quoi ?” Je regardais autour de moi. “Comment ça plus là ? Pourquoi il est parti ?” Tout était exactement comme dans mes souvenirs, mais où était mon frère ?
La fille souriait mais il y avait dans ses yeux une ombre. “Il n’était pas gentil, alors il a dû partir.”
Je devais partir.
J’ai essayé de me libérer de la main de la petite fille en me fixant le plus possible au sol avec mes appuis. “Où va-t-on ?”
La fille ne m’a pas regardé, mais elle m’a guidé plus loin, sans encombre malgré mes pas hésitants. “À la maison.”
“Je ne veux pas y aller.”
“Tu n’as pas le choix.” Elle rigola, mais le son sonnait faux, trop grave et triste pour une enfant de son âge. “Nous n’avons jamais eu le choix.”
Sa main tremblait alors qu’elle s’avançait lentement pour faire tourner la poignée. La porte laissa s’échapper un crissement métallique, comme un signe de protestation, en s’ouvrant.
J’ai eu un frisson en observant la pénombre de l’entrée, qui contrastait avec l’extérieur ensoleillé. Il y avait une odeur de vernis pour bois et de détergent qui m’attrapa les narines et retourna mon estomac. Avec Jonathan, on s’amusait à glisser sur le plancher avec nos chaussettes, en attendant que notre mère nous dise que le repas était prêt...
“Où est maman ?”
Le sourire de la petite fille s’agrandit, en opposition totale avec les larmes qui coulaient sur ses joues. “Elle a oublié les règles.”
"Pars avant qu’il ne soit trop tard."
“Laisses moi partir, je ne veux pas être ici !” Mes cris effrayés tombaient dans l’oreille d’une sourde alors que la petite fille se tournait lentement vers les escaliers. Mon estomac était de plus en plus lourd, et mon cœur battait encore plus vite, je pouvais l’entendre dans mes oreilles. Je ne voulais pas monter les escaliers, je ne voulais pas voir ce qu’il y avait en haut, ce qui m’attendait en haut. Je savais que ça sentait mauvais.
“On doit y aller.” Elle murmura silencieusement alors qu’elle posa son pied sur la première marche. “C’est le seul moyen.”
Elle me tira avec elle dans l’escalier.
“J’ai vécu ici jusqu’à mes treize ans.” J’ai murmuré, des souvenirs me revenant en tête…
La deuxième marche.
“Tout le monde pensait qu’on était heureux, mais c’était seulement ce qu’on voulait qu'ils voient.”
La fille me tira encore sur une autre marche.
“Je courais et je me cachais dans ces bois, mais c’était encore pire quand je revenais ici.”
Une autre marche, tout était sombre au-dessus de nous.
“Un jour je suis partie, et je ne suis jamais revenu. J’ai continué de courir.”
Seulement deux marches restantes.
“C’était le jour où Jonathan a cassé la vitre… Le rendant tellement en colère… Maman a essayé de le protéger.”
Une marche restante.
“Les règles étaient brisées, et nous devions en payer le prix… Mais je me suis échappée… "
Nous avons atteint le haut des escaliers. Une ampoule était accrochée au-dessus de nous, sa lumière jaune éclairait le visage de la fille, qui avait une expression que je n’arrivais pas à lire alors qu’elle me regardait.
J’ai regardé la petite fille, maintenant largement plus petite et plus jeune que moi. “Tu es moi.”
La fille sourit. “Oui.”
“Ce n’est pas réel. Je me suis échappée d’ici. La police l’a arrêté et l’a mis en prison. Il y est mort.”
Elle me regarda silencieusement alors que je parlais, mes yeux fixant la porte en face de moi, menant à la pièce dans laquelle je ne devais absolument pas rentrer.
“C’est un rêve.”
“Tu n’étais pas censée partir” Mon moi du passé parlait calmement, faisant dresser les cheveux à l’arrière de mon crâne. “Tu as brisé les règles. Tu savais que ça allait arriver.”
“Rien ne peut arriver. C’est un rêve. Il est mort. Je suis vivante.”
“Tu ne peux pas t’échapper de la maison.” Sa voix avait changé, devenant quelque chose d’étrange et de sinistrement familier. “C’est ta maison.”
Non.
“Tu les as laissé derrière, mais tu n’as jamais pu vraiment partir.”
Je me suis tournée pour partir, mais les escaliers avaient disparus.
J’entendis sa voix murmurer dans mon oreille. “Il a trouvé notre cachette. C’est enfin corrigé. Tout va rentrer dans l’ordre.”
Non.
J’ai reculé mais elle n’était plus en face de moi. Il n’y avait rien, mis à part la lumière pâle de l’ampoule au-dessus de moi.
“Et pendant que tu es endormie, en sécurité dans ton lit… ” Sa voix murmurait dans mon oreille mais il n’y avait personne avec moi.
Je devais m’enfuir.
“Nous étions là aussi.”
Ce n’était pas réel.
“Te regardant dormir.”
Ce n’était pas réel, ce n’était pas réel, ce n’était…
“LAISSEZ-MOI SEULE !”
La lumière vacilla puis s’éteignit, me laissant dans le noir.
…
…
“Et maintenant, nous sommes prêts à te ramener à la maison.”
Cauchemar....