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Le sang versé

  • Photo du rédacteur: nawell
    nawell
  • 29 sept. 2020
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 30 sept. 2020

Le ciel gronde au-dessus de ma tête, un orage se prépare. Je sais qu’il faut que je me mette à l’abri rapidement. Pourtant, mes chaussures traînent sur la terre battue. J’ai du mal à avancer et l’idée de rentrer à la ferme ne me semble plus aussi bonne. Mes jambes sont lourdes, ma tête tourne, mon cœur bat dans mes oreilles, avec le sentiment désagréable d’avancer au ralenti. 


D’un seul coup, je m’arrête sur le bord du chemin, me penche en avant et régurgite mon repas du midi. Mes yeux se remplissent d’eau, et avec eux la pluie commence à tomber, épaisse et froide, jusqu’à ce qu’on ne puisse plus distinguer mes larmes chaudes. D’un seul coup, c’est comme si je n'arrive plus m’arrêter, de gros sanglots ponctuant le tonnerre et je crois rêver quand j’aperçois une lumière au loin. Une voix, amenée par le vent, cri :


“Gwen ! Gwen !”


Je retiens mon souffle pendant un instant, puis je me mets à courir en direction de la voix. Mon frère avait dû s’inquiéter en ne me voyant pas revenir après le marché. Après tout, j’aurais dû rentrer à la ferme il y a des heures. Et l’orage arrivant et la nuit tombant, il était sorti pour  aller me chercher. Brusquement, je me cogne contre une silhouette large. C’est Yann. Je le serre dans mes bras, les larmes s’étant remise à couler. Yann a l’air inquiet et prend les commande pour me guider jusqu’à la ferme.


En entrant dans la salle principale, Yann fait de son mieux pour me sécher alors que je commence à grelotter. Il s’arrête d’un coup, un air horrifié sur le visage, puis murmure, comme par peur que, malgré que nous soyons seuls, quelqu’un l'entende :


“Gwen… D’où vient tout le sang sur ta robe ?”



J’ai oublié. Ce que j’ai bien pu faire entre la fin du marché et le moment où Yann m’avait trouvé. Cinq heures de ma vie, du sang sur ma robe et aucun souvenir. Alors j’essaie de retracer ma journée complète. 


4 h 30, je me lève. 


5 h 15, je pars de la ferme. Goulven est venu me chercher en charrette. Il avait pris Caramel ce matin-là. Je l’aime bien, il est plus tranquille et beaucoup moins brusque que Foudre par exemple, et de bon matin, c’est plus agréable. Je me souviens que la charrette était pleine à craquer. 


Ensuite nous avons roulé jusqu’à Landerneau. 


Arrivés au marché, Goulven a déchargé la charrette pendant que je disposais les légumes sur l’étal. Goulven insiste toujours pour que je ne décharge pas la charrette, il ne veut pas que je me fasse mal au dos et que je me retrouve bloquée sans pouvoir bouger. Il dit toujours que la raison pour laquelle notre étale a autant de succès c’est parce que je suis là, et que sans moi, il vendrait deux fois moins. J’imagine que c’est un bon patron. Et il me paye plutôt généreusement.


7 h 30, le marché commence doucement, puis les gens ont défilé toute la matinée. 

13 h, fin du marché, les palette sont vides, nous rangeons puis nous quittons Landerneau.

Goulven me dépose à l’intersection de la croix Sainte-Marie. Il m’a dit qu’il avait une course à faire à Daoulas. Je continue à pied, et je décide de couper à travers champs, pour y passer moins de temps. Je passe par la propriété des Morvan, des Tanguy puis des Riou. 

Et un bruit sourd. Comme je m’imagine ce que ferait un coup de fusil. Mais ce n’est pas la saison de la chasse et même si c’était le cas, il n’y a rien à chasser dans le coin. D’ailleurs, personne n’a vraiment l’âme d’un chasseur ici. 


J’essaie d’aller plus loin mais c’est comme si quelque chose me bloquait. Je n’ai aucun souvenir après avoir passé Coat Mez. C’est a à peine trente minutes de marche de la ferme. Et je ne suis rentrée qu’après la nuit tombée, plus de cinq heures après.


Un sentiment de panique commence à m'envahir. J’ai du mal à respirer, comme si j’avais un poids sur mon torse qui m'écrasait. Mon cœur commence à battre de plus en plus vite et ma vision se trouble. Je sens des bras s'enrouler autour de moi et je reconnais l’odeur de Yann. Il essaie de me calmer en me murmurant des choses réconfortantes. C’est comme si tout mon corps devenait lourd, mes yeux n’arrivent plus à rester ouverts et doucement, je tombe dans un sommeil profond.




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