Les maisons de l'au-delà
- nawell
- 28 août 2020
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 18 sept. 2020
Mourir n'était pas une partie de plaisir, mais il y avait au moins un avantage à ça : on pouvait choisir où passer le reste de ses jours.
Nous sommes arrivés en premier à la Maison de la Luxure. Le terme “maison” est d’ailleurs un peu trompeur. On se trouvait plutôt dans une sorte de camp au milieu d’une forêt luxuriante. Il y avait une plage de sable fin (nudiste bien évidemment) pleine de couples en train de copuler.
Il y avait, tout au long du chemin, des petites cabines dans lesquelles des gémissements orgasmiques sortaient à intervalles réguliers. Des hommes et des femmes, tous plus beaux les uns et les autres, se tournaient autour en rigolant de manière charmeuse, sans même me remarquer.
“Alors, qu’est-ce que tu en penses ?” Me demanda Dieu. “La Luxure est notre péché le plus populaire.” Je regardais les couples autour de moi, et je pouvais aisément deviner pourquoi. “Tu peux ressembler à ce que tu veux. Tu peux même être ce que tu veux, peu importe le genre. Aucun fétichisme n’est tabou et aucun désir n’est refusé ici.”
C’était plutôt tentant mais je n’étais pas prêt à prendre une décision comme celle-ci ici. “Allons voir les autres.”
On arriva ensuite à la Maison de la Cupidité. Des rangées de maisons, toutes plus opulentes les unes que les autres. Certaines étaient si grandes qu’elles devaient probablement avoir assez de chambres pour loger toute une ville.
Et il y avait tellement de styles différents : à un moment, nous étions dans un magnifique vignoble français, en face d’un superbe château avec les Alpes en arrière-plan. Juste une seconde plus tard, il y avait, près d’une plage tropicale, une maison ultra moderne, au sommet d’une falaise avec une vue époustouflante. Après ça, un chalet, au Colorado avec un foyer crépitant suffisamment large pour y mettre un bœuf. Chacune de ces maisons avait diverses voitures de sport, des Bugatti ou des Rolls-Royce garées devant avec, parfois, des bateaux ou des hélicoptères.
“Tout ce que tu as toujours voulu,” a expliqué Dieu. “Ton propre monde, où tu peux avoir tout. Tu veux les joyaux de la couronne d'Angleterre ? Tu peux aller les acheter avec ton propre jet. Tu peux même acheter la Tour de Londres si tu veux.”
Aussi très tentant, mais je pris la décision de continuer mon tour.
La Gourmandise était la Maison suivante. Il s’y trouvait des tables et des tables de la nourriture la plus raffinée : de beaux steaks saignants, une queue de homard, des huîtres fraîches, des vins exotiques dans des bouteilles poussiéreuses qui semblaient avoir été cachés dans les caves des meilleurs restaurants.
Tout le monde avait une coupe de champagne à la main et était assis dans des chaises confortables, à manger indéfiniment. Dès que les habitants prenaient un morceau, ce dernier revenait instantanément. La salive me vint en bouche rien qu’à les regarder.
“Dans toutes les autres maisons, la nourriture est comparable à de la sciure par rapport à celle de la Gourmandise.” Expliqua Dieu. “Personne n’a vraiment été au Paradis tant qu’il n’a pas mangé ici.”
Je secouai la tête et on continua d’avancer.
La Maison de la Paresse était comme on pouvait l’imaginer. Une mer infinie de matelas moelleux, chacun agrémenté de coussins et de couvertures qui rendait le conte de La Princesse au petit pois minimaliste au possible. Des petits anges rendaient visite à chaque habitant, leur faisant des massages qui les faisaient tous plus fondre dans leur matelas.
La Maison de la Colère était très semblable à ce que je m’imaginais de l’Enfer. Du feu, du soufre, des fouets, de la torture, enfin, tout ça quoi. Seulement ici, on n’était pas celui torturé. Tous les ennemis que tu as eus dans la vraie vie était sous ton contrôle. “Beaucoup de gens choisissent leurs pères” a expliqué Dieu. “Il y a beaucoup de haine envers les parents de manière générale, mais tu sais… Ce n’est pas limité à ça. Quelqu’un a eu une promotion à ta place sur Terre ? Tu peux prendre ta revanche ici.”
Ensuite, on arriva à l’Envie. Et ça ressemblait beaucoup à la maison.
“Vas-y, rentre !” Me dit Dieu en montrant la porte d’entrée. Je tournai la poignée et arriva chez moi. En me dirigeant vers le salon, je trouvai Emilie en train d’attendre. Elle courut vers moi, enroula ses bras autour de mon cou et déposa un baiser sur mes lèvres. “Bienvenue à la maison, mon chéri !”
Je regardai en arrière, vers Dieu. “Oh, fait pas ton timide. Tu n’as aucun secret pour moi. Nous savons tous que tu étais amoureux de la femme de ton meilleur ami.” Emilie ne semblait pas l’entendre du tout, alors qu’elle se dirigeait vers la cuisine. “Nous savons toi et moi que tu es resté avec ta femme toute ta vie alors que tu rêvais d’Emilie nuit et jour. Et bien, c’est ta chance de vivre heureux pour l’éternité.”
J’ai regardé dans la cuisine. Emilie était en train de cuisiner quelque chose, tout en ne portant qu’un petit tablier. Ses doux cheveux bouclés tombaient doucement sur ses épaules alors qu’elle mélangeait les ingrédients ensemble.
Elle tourna la tête vers moi, remarqua que je l’observai et me fit un sourire enthousiaste.
“C’est tout ce que tu as toujours voulu, non ?” Me murmura Dieu à l’oreille.
Je voulais prendre cette Maison, de tout mon être. Mais je secouai la tête.
Dieu sembla perplexe. “Tu as besoin de prendre une décision maintenant.”
“Je n’ai pas encore vu l’Orgueil.”
“Personne ne veut ça, crois-moi.”
“Et bien, je veux le voir.”
La Maison de l’Orgueil était ennuyante au possible. C’était juste un ensemble de banc et d’établi dans une salle complètement blanche.
“Je ne comprends pas.” Je dis à Dieu.
“Oui, personne ne comprend” il répondit. “C’est pourquoi personne ne choisit ça. Passer le reste de son existence à se parader dans la Luxure semble quand même mieux que rester ici, non ? Tu ne préférerais pas te goinfrer à la Gourmandise ? Ou passer du temps avec Emilie à l’Envie ?”
Je considérai une dernière fois toutes les options. “Je choisis l’Orgueil." Je finis par dire à Dieu.
Il plissa ses yeux. “Quoi ? Mais enfin, regarde ça !” Il montra l’ensemble de la pièce encore une fois. Il n’y avait pas grand-chose à regarder de toute façon. “Pourquoi choisir ça pour l’éternité ?”
“Parce que tu ne veux pas que je le choisisse.” S’il était vraiment Dieu, il savait à quel point je pouvais être anticonformiste. Et je savais qu’il cachait quelque chose, en essayant de prétendre que l’Orgueil n’existait pas. Il y avait quelque chose de spécial à propos de ce lieu.
Dieu se renfrogna. “Très bien.” Il me guida vers l’un des établis. Au centre, il y avait un immense espace blanc. Un néant qui semblait être là depuis toujours. “Voici ton univers, tu as sept jours pour démarrer.” Il s’assit sur un des bancs à côté de moi et continua à ajuster son propre monde.
Après une longue pause, il s’adressa à moi : “Tu sais, ça pourrait être sympa d’avoir enfin un peu de compagnie.”
Comentarios