Sérendipité - Partie 3
- nawell
- 7 janv. 2021
- 5 min de lecture
Rachel hésita avant de répondre. Cet homme connaissait son nom. Il était donc bien là pour elle. Pour la rencontrer. Puis, en voyant l’homme se tenir la poitrine, en respirant de plus en plus difficilement, elle comprit que ce dernier faisait une crise de panique. Elle avait déjà vu ça chez certains de ces élèves. Ils pouvaient être tellement inquiet et perdre leur moyen pendant certains devoirs. Elle écarquilla les yeux avant de réagir.
“Monsieur, asseyez-vous s’il vous plait et regardez-moi. Concentrez-vous sur moi maintenant. Oui comme ça. Respirez en même temps que moi. Tout va bien.”
Au bout de quelques minutes, l’homme calma sa respiration et pris une grande inspiration avant de fermer les yeux, comme pour se reposer.
”Je suis bien Rachel Morvan. Pourquoi vous me chercher ?”
L’homme ouvrit les yeux et dit dans une voix presque mécanique : ”Je sais que ça va te sembler complètement fou mais tu es le personnage principal de mon roman préféré. Je connais la fin. Tu es en danger. Je suis là pour t’aider à t’en sortir.”
“Pardon ?”
Rachel n’arrivait pas à croire cet homme. Il était complètement pété ou quoi ? Elle n’était pas dans un roman. D’abord sa vie n’avait rien d'excitant ou d’incroyable. C’était juste une prof de français à la vie tranquille. Si sa vie était un livre, ça serait le livre le plus ennuyant de l’histoire de la littérature. Et elle s’y connaissait en histoire de la littérature, c’était littéralement son métier.
”Je sais, tu ne me crois pas. Mais je peux te prouver que j’ai raison. Je connais tout de ta vie.”
“Là c’est juste flippant.”
Rachel se leva d’un coup, et commença à rentrer chez elle. Peu importe qui était ce fou, elle ne voulait pas que ce soit son problème. Elle allait appeler le 17 pour s’en débarrasser. Point final.
”Attends ! Voici le livre en question.”
Hésitante, Rachel pris le livre et le feuilleta. Rapidement son visage se transforma. Tout y était, ses parents, Clara, le lycée, les blagues vaseuses du prof de physique, Klervi et même David. Elle déglutit difficilement. Un voile blanc se mit devant ses yeux et elle se sentit tomber en arrière.
Lorsque Rachel repris ses esprits, elle décida de ne pas ouvrir les yeux tout de suite. Elle venait juste de faire un mauvais rêve et avait besoin d’un peu de temps pour revenir à la réalité. Elle s’enfonça un peu plus dans ses coussins et voulu se retourner vers le côté gauche de son lit quand elle s’arrêta en plein mouvement.
Elle n’était pas dans son lit. Elle pouvait sentir le vide à gauche d’elle et elle dormait toujours du côté droit. Étrange. Elle décida alors d’ouvrir les yeux et fut surprise par la luminosité soudaine présente dans son salon. Rachel était allongée sur son canapé et sur son fauteuil crème, il y avait un homme qui la regardait avec un air inquiet sur le visage et un verre d’eau dans les mains. Quand il vit qu’elle était réveillée, il lui tendit le verre sans un mot. Rachel se contenta de fixer le verre d’un regard vide.
Après quelques secondes, l’homme posa le verre sur la table et commença à parler : “Hum… Du coup, ça fait un choc hein ? … Désolé… Je ne me suis même pas présenté. Je m’appelle Julien. Julien Dubois. Je suis prof en école primaire. Enfin maître quoi. En CE2. Je suis fiancé à la femme de ma vie. Julien s’arrêta quelques secondes et soupira. Elle s’appelle Emma, on s’est rencontré à l’école. Moi en tant que maître, elle en tant que maman. J’enseignais en CP à cette époque. Elle venait juste de se séparer de son compagnon depuis quelques mois. On a tout de suite accroché mais tu sais… avec le fait que je sois le maître de sa fille, ce n’était pas idéal. Mais pendant les vacances d’été, on s’est revu par hasard à la librairie et bam… On habite ensemble depuis un an et tout se passe bien. Lucie s'acclimate bien aussi. Enfin la vie est belle quoi… Voilà voilà… ”
Rachel leva enfin les yeux vers Julien et lui demanda d’une voix monotone :
“C’est quoi cette histoire de livre ?”
“Oui, à propos de ça… Alors, tu fais partie d’un livre. Tu en es même le personnage principal. C’est mon livre préféré d’ailleurs. Entre le roman historique et d’action. Et bon, tu prends plein de mauvaise décision. Et je sais que c’est possible d’aider les gens, quand on le veut vraiment, et qu’on sait qu’on peut… ”
“Attends, attends, c’est possible d’aider les gens ? Tes amis, oui, Ta famille, oui. Un parfait inconnu dans la rue, ok. Mais des personnages de livres ? Mais t’as fumé quoi exactement ?”
“Je sais que ça peut paraître fou, moi aussi je n’arrivais pas à y croire avant. Mais me voici, à l’autre bout de la France, dans une ville que je ne connais pas et où je n’ai jamais été. Pourtant j’arrive à me repérer. Je connais le nom des bâtiments. Je connais ton nom. Ta vie. J’ai le livre si tu veux, dit Julien en lui tendant un roman qui semblait avoir été beaucoup ouvert avec un titre en écriture rouge, qui ressortait sur le fond blanc de la couverture… “Contrebande sur les remparts”. “
“Contrebande ? Non, non, non. Ce n’est pas moi ça. Je ne fais pas de contrebande.”
“Justement, tu essayes d’éviter ça. Mais sans vouloir spoiler, tu échoues lamentablement. Et moi je suis là pour t’aider à réussir.”
“Mais pourquoi ?”
“Pour l’amour de l’art et de l’histoire. Je trouve la fin tellement frustrante.”
Rachel regardait toujours Julien d’un air méfiant.
“Écoutes, je vois bien que tu ne me crois pas, c’est normal. Mais la prochaine fois que tu vas chez ton élève, Jean Goff, fais attention à toi et surtout, observes autour de toi ce qui se passe, ce qu’il y a. Particulièrement dans la bibliothèque.”
“Quoi ? Mais comment tu connais Jean ? Et pourquoi la bibliothèque ? On va toujours travailler à la bibliothèque. Je n’ai jamais rien remarqué.”
“Justement. Ça fait au moins deux mois que c’est devant tes yeux. Ils commencent à se poser des questions.”
“Ils qui ?”
“Je ferais mieux de te laisser reprendre tes esprits. Et puis, je ne dois pas en dire trop. C’est la règle numéro une. Laisser le libre arbitre au protagoniste. Et puis tu dois préparer ta journée de demain.”
La jeune femme hocha la tête d’un air mécanique, la bouche entre ouverte en regardant Julien partir de sa maison. Elle ne reprit ses esprits que lorsqu'elle entendit les cloches de l’église à côté de chez elle sonner la sortie de la messe.
Le reste de la journée ne fut qu’un vague souvenir et le soir venu, Rachel prépara ses affaires pour le lendemain de manière automatique. Ce n’était qu’un mauvais rêve, et elle se devait d’être en forme et d’avoir l’esprit clair pour ses élèves. Ensuite mardi soir, elle allait aller chez Jean et elle allait bien se rendre compte que rien ne clochait. Avant de se coucher, elle décida tout de même de vérifier si personne ne s’était échappé de l’asile du coin. On ne sait jamais.
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